dimanche 7 mai 2017

SOIREE DE PRESENTATION DU LIVRE "RESILIENCE"

Le 05 Mai dernier, j'accueillais à Carpentras, le public venant assister à la présentation de mon livre "Résilience". Pour ceux qui n'ont pu venir, je vous résume en quelques lignes pourquoi j'ai écrit ce témoignage et les projets qui s'ouvrent aujourd'hui.


"Résilience"

Tout d'abord, le terme résilience décrit la capacité à sortir d’une épreuve, de se relever d’une situation de stress intense. C’est l’aptitude à faire face, à se ressaisir, à s’adapter en dépit des circonstances défavorables.

La résilience est un phénomène psychologique qui consiste, pour une personne ayant subi un traumatisme, à prendre acte de cet événement traumatique, pour sortir de la dépression et avancer vers une possible reconstruction.

Dans mon cas, ce mot résume le cheminement que j’ai dû accomplir pour tenter de m’approcher de l’apaisement.

Quand j’ai perdu mon enfant il y a plus de 8 ans maintenant, j’ai commencé à écrire. Initialement, j’écrivais une sorte de journal intime que je tenais quasi-quotidiennement. Pour moi, c’était un déversoir à ma douleur. Plus le temps passait, plus c’était thérapeutique de mettre des mots sur ma souffrance.

Donc, ce livre n’était pas du tout fait pour être publié au départ, aussi à cause de son caractère très intime. En effet, dévoiler sa vie privée n’est pas du tout évident.

Puis, au fil des années et des rencontres, je me suis demandée si ce récit, ces quelques pages, ne pouvaient pas être utiles à d’autres personnes, d’autres parents endeuillés. Des proches autour de moi m’ont encouragé dans cette voie. Je me suis donc jetée à l’eau sans savoir où cela allait aboutir.

Moi aussi, à l’époque j’avais parfois trouvé un peu de réconfort dans les différents témoignages que je lisais. D’autres personnes mettaient des mots sur mes émotions que je ne maitrisais pas du tout à ce moment-là.

Et puis, pour moi, témoigner de manière écrite en laissant une trace indélébile, c’est aussi pour montrer qu’il y a un « après » l’épreuve.

Alors, j’ai commencé ce récit en situant ma jeunesse, comment je me suis construite et mon approche de la vie. Puis lentement, je poursuis vers ma vie d’adulte, d’épouse et vers mon désir de maternité. Une maternité qui mettra du temps à arriver, d’ailleurs.

Quand survient enfin la joie et le bonheur de savoir que je porte la vie, un cataclysme s’abat sur moi, sur nous ! Je perds donc mon premier enfant, ma première fille en la mettant au monde.

Après une magnifique grossesse, comme j’en souhaite à toutes les femmes, et sans aucun souci apparent, le petit cœur de mon bébé s’arrête de battre subitement pendant l’accouchement.
Le fruit de mes entrailles que j’ai tant attendu ne vit plus.

A ce moment là, le sentiment que j’ai, c’est de ne pas avoir donné la vie, mais d’avoir donné la mort. Ce sentiment très destructeur m’a hanté pendant très longtemps.

Passé ce choc et les quelques jours de soin dans le service gynécologique où j’étais, on vous invite gentiment à rentrer chez vous, à reprendre le court de votre vie, sans aucune explication possible, logique, tangible ou médicale. Il faut reprendre le court de sa vie, tout bêtement. Hors ça c’est impossible…

J’ai écrit la plus longue partie de mon livre sur la succession de difficiles étapes du deuil auxquelles je dois faire face.
J’en parle ici dans ce livre. J’explique comment j’ai vécu chacune d’entre-elles : qui va du choc de l’annonce (quand on vous révèle que le cœur de votre bébé vient de s’arrêter mais qu’il faut quand même continuer d’accoucher…On n’y croit pas. Le ciel vous tombe littéralement sur la tête. Vous ne comprenez rien),

Ensuite, il y a le déni, la colère, la tristesse, la profonde dépression… Puis, la plus longue et la plus douloureuse étape pour moi, à savoir l’acceptation. Chose qu’il m’a été impossible d’envisager pendant des années. Car dans ma tête j’avais l’impression qu’accepter ce qui m’était arrivée, revenait à oublier ce que j’avais vécu, à oublier ma fille. Et ça c’était hors de question.

Donc après un long et pénible travail de deuil, vient enfin la reconstruction progressive, ou la guérison. Bien que je reste convaincue qu’on ne guérit jamais vraiment de ça. C’est pour cela que dans mon cas, je parle plutôt d’apaisement.

Cette épreuve vous pose de manière indélébile, une ombre au-dessus de votre tête, même quand vous vivez de beaux moments dans votre vie. Même quand d’autres enfants agrandissent votre foyer. On n’arrive pas vraiment à profiter de ces beaux moments pleinement. Il y a un sanglot qui est jamais loin…

Dans mon récit, j’évoque aussi mes tentatives pour essayer d’aller mieux. Ce qui m’a aidé pour ma part, c’est une longue thérapie avec une psychiatre que je voyais de manière régulière – pour travailler sur le deuil et pour comprendre plein de choses sur ma situation et sur moi même.
Ce qui m’a aidé également (comme je l’évoquais au début), c’est l’écriture. Cela me faisait beaucoup de bien.

Et il est important de dire aussi combien la présence de l’entourage familial ou amical est d’un grand secours, d’un grand soutien.

Et puis, il y a eu de gros échecs aussi (l’alcool, les médicaments, le refus catégorique d’affronter le monde…) Autant de choses qui vous font un peu plus couler. Cela je le développe de manière plus approfondie dans le livre.

Et enfin, pour terminer mon livre, je le conclue en tentant d’apporter quand même une petite touche d’espoir, aussi minime soit-elle (car depuis que j’ai terminé mon livre, j’entrevois les choses encore différemment – de manière plus positive) J’essaie de voir ce que je peux tirer de bien de ce drame, voir ce que je peux en faire.

J’écris donc qu’effectivement il peut y avoir une vie après l’épreuve.  Différente certes, mais possible.

Je tente aussi d’apporter une direction à l’entourage, dans sa manière de soutenir les parents endeuillés. Eviter certaines maladresses par exemples…

Il est aussi important de souligner que dans ma résilience, (je parle de ma résilience car personne ne réagit pareil à une même situation, à un même drame), donc dans ma capacité à me relever de ça, il y a eu une notion de volonté.

C’est vrai que si on le veut, on peut rester toute notre vie dans cet état de souffrance, enfermé dans cette tourmente quotidienne, mais quand à un très court moment donné, vous pouvez apercevoir une petite lumière au fond du tunnel, il faut s’y diriger tout de suite, à grands pas et ne pas la laisser partir. Il faut saisir cette possibilité, pour enfin sortir de la dépression.

Pour ma part, je dis souvent que je me suis donnée ce « coup de pied au cul » après un simple déclic.

Un jour mon fils encore tout petit, m’a demandé pourquoi j’étais toujours triste et pourquoi je pleurais tout le temps. Il était tellement sincère dans la manière de ma poser la question que ça m’a fait un choc, le choc donc j’avais besoin.

Je ne voulais plus que mes enfants aient une maman dépressive. Je ne voulais plus leur renvoyer cette image. Je voulais devenir une maman qui joue correctement son rôle et qui soit à la hauteur pour eux.

Alors, la première chose que j’ai faite a été de jeter tous mes médicaments (mes anti-dépresseurs, mes somnifères…) pour affronter ma vie. Je me suis lancée dans ma bataille.

Ce n’est pas toujours facile – même encore aujourd’hui bien-sûr - mais une journée après l’autre, une marche après l’autre, je me rapproche un peu plus de l’apaisement.

Je pense également que le temps n’efface rien. On apprend simplement à vivre avec ce drame, à apprivoiser l’absence de notre défunt et surtout à dompter nos chagrins et nos larmes encore bien présentes.

Alors, plus concrètement aujourd’hui j’en suis où ?

La publication de mon livre me permet de mettre en place d’autres projets. Ce support écrit me sert surtout d’outil pour parler de ce sujet tabou aux yeux de la société. Je parle de sujet tabou car il est encore difficile de parler de la perte d’un enfant aujourd’hui. Surement par le fait, qu’on ne sait pas vraiment quoi dire face à cette tragédie. Donc personne n’ose en parler. Moi j’aimerai essayer d’ouvrir une brèche dans ce sens.

J’ai donc commencé à me former sur le deuil et l’accompagnement par le biais de plusieurs associations.

Et plus concrètement, petit à petit, il se met en place sur Carpentras un groupe de parole sous forme de café-rencontre. Ce groupe concerne les victimes (de près ou de loin) du deuil périnatal.

A savoir que le deuil périnatal tel qu’il est défini par l’Organisation Mondiale de la Santé, c’est la perte d’un enfant pendant la grossesse (les fausses-couches), à la naissance, dans les heures qui suivent la naissance ou dans les premières semaines de vie.

Donc, dans ce groupe, il est possible pour des parents endeuillés, des grands-parents, des amis, des collègues de travail ou toutes autres personnes qui en ont besoin, de s’inviter à ce petit groupe soit pour écouter dans un premier temps, et se sentir moins seul, soit en prenant la parole et alléger un peu son cœur. Se sentir écouter est déjà un soutien important.

J’aime beaucoup la citation d’Albert Camus qui dit :

« Parler de ses peines, c’est déjà se consoler. »

La rencontre se déroule de manière informelle autour d’un thé ou d’un café une fois par mois, dans un salon de thé de la ville. 4 à 6 personnes composent le groupe pour faciliter le dialogue.
L’inscription est libre et gratuite bien-évidemment.

Voilà, pour résumer, ce livre « Résilience » s’adresse aux parents endeuillés mais pas seulement. On l’a vu, les grands-parents, les oncles et tantes, les amis, les collègues… Autant de personnes qui peuvent se sentir impliquées.
Il faut savoir que ce sont 7000 familles françaises qui sont touchées chaque année par ce drame. Cela fait beaucoup de monde concerné par le sujet.





vendredi 5 mai 2017

L'ENFANT ET LE DEUIL


Lors de la conférence sur l’enfant en deuil que j’ai pu suivre en mars dernier, l’Association Réseau Vivre Son Deuil Grand Sud nous a apporté un certain nombre d’informations sur l’enfant lorsqu’il est confronté à la mort.



Pendant longtemps, on disait à l’enfant : « Tu ne peux pas comprendre, tu verras plus tard. »
Hors, il est essentiel d’expliquer dans des mots simples la réalité des événements.  Il est donc indispensable de ne pas ignorer les questions des enfants car ils se construisent grâce aux réponses qu’on leur apporte. Chaque enfant se fait sa propre idée de la mort. Pour eux, il n’y a pas de conception d’éternité. La mort n’est pas universelle et éternelle. Beaucoup d’enfants pensent alors que la mort ne dure pas. C’est en cela qu’il ne souffre pas comme les adultes.

La conception de la mort varie selon l’âge de l’enfant et son milieu familial :

· Chez le bébé ; il n’a pas de compréhension émotionnelle ce qui ne l’empêche pas de ressentir l’absence physique de la personne décédée. Cela peut briser sa construction classique. Il est affecté inconsciemment. Il peut ressentir comme un abandon. Il est donc indispensable de lui trouver une substitution affective pour le rassurer.

· Chez l’enfant de 3 à 6 ans ; l’enfant pose ses premières questions. Il parle et joue sur la mort. Il assimile la mort à un long sommeil (d’où certaines angoisses nocturnes ou cauchemars). Comme son petit monde tourne autour de lui, il peut s’accuser de la mort d’une personne. Encore une fois, il faut le rassurer.

· Chez l’enfant de 6 à 8 ans ; il commence à comprendre que la mort est éternelle. Il connaît que la vie commence avec la naissance et s’arrête avec la mort. L’enfant en deuil se sent différent des autres enfants. D’où l’apparition d’un mal-être et de certains troubles du comportement.

· Chez l’enfant de 8 à 12 ans ; le jeune veut moins en parler même s’il pose des questions. « Y’a-t-il un Dieu ? » « Qui y a-t-il après la mort ? » … Une peur de la mort peut parfois survenir. Alors l’enfant se renferme, n’en parle plus, pour ne pas à avoir à l’affronter.




Les différentes expressions du chagrin chez l’enfant :


La douleur peut ne pas se voir chez certains enfants, tout comme certaines crises de larmes peuvent survenir, même plusieurs mois après le décès.
Aussi, pour ne pas être un fardeau, l’enfant peut chercher à se faire oublier. Il met en acte sa douleur plus qu’il ne la verbalise. Cela peut se traduire comme :

- des troubles du sommeil
- des maux de ventre, de tête, la perte d’appétit
- l’apparition d’une peur anxieuse (rester collé à ses parents par peur de la mort)
- des troubles scolaires
de la régression (retour au biberon…)
- de l’agressivité envers son entourage à une période même éloignée du décès
- des morsures à lui-même, des scarifications, des tentatives de suicide…

Autant de signes qu’il faut surveiller pour pouvoir apporter une aide à l’enfant.


Chez l’enfant, le travail de deuil évolue dans le temps. Le deuil prend la place de la croissance normale de l’enfant. Il se fatigue à faire son deuil au lieu d’utiliser son énergie à grandir. Le deuil chez l’enfant se montre davantage de manière physique que psychique. Alors que l’adulte montre sa peine en en parlant, l’enfant lui, la montrera en régressant, en intériorisant ses émotions.


Ce qui peut aider un enfant endeuillé :

· L’associer aux rituels pour dire adieu à la personne décédée, ne surtout pas le mettre à l’écart, ne pas le laisser seul. Ces rituels rendent la mort concrète et irréversible aux yeux de l’enfant. Il assimilera donc mieux la situation.
· Garder les objets souvenirs.
· Lui parler naturellement et couramment de la mort du défunt, ne pas en faire un secret.
· Le rassurer en répondant à ses questions de manière simple, juste et vraie. Bien choisir ses mots. Ne pas mentir à l’enfant dans l’idée de le préserver. Si l’enfant s’aperçoit qu’on lui a menti, il perdra confiance en l’adulte.
· Ne pas plaquer nos réactions d’adultes à celles qu’on attend l’enfant.
· Ecouter l’enfant complètement. Ne pas répondre pour lui.


L’enfant doit tout autant qu’un adulte faire son deuil sinon sa reconstruction s’en trouve stoppée. La phase de reconstruction s’amorce progressivement mais si son deuil n’a pas été correctement fait, il peut rechuter avec un nouveau décès alors qu’il a atteint l’âge adulte.



"Cela arrive souvent... de s'inventer des maladies après un deuil. C'est la façon de se sentir moins seul. On se dédouble, si vous voulez. On se soigne comme si on était un autre. On est de nouveau deux : celui qui je suis et celui que je soigne."

La fée carabine - Daniel Pennac